mardi 11 mars 2008

La France qui se lève tôt

En 1928, Edward Bernays écrivait : « En politique, les méthodes de la propagande ne sont efficaces que sur les électeurs qui opèrent leur choix en fonction des préjugés et des attentes du groupe dans lequel ils se reconnaissent. La force de la position politique du chef découle bien évidemment de l'étroitesse des liens qu'il a su nouer avec ceux qui votent pour lui. »*

Depuis, les travaux de psychologie sociale ont montré le poids des effets de groupe dans la prise de décision et confirmé ainsi la théorie de Edward Bernays. L'appartenance à un groupe tend à faire agir les membres en fonction de la position centrale de ce groupe, des idées qu'il défend, des choix partagés par la majorité des membres et par ses leaders.

Durant la dernière campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy a largement utilisé l'expression « la France qui se lève tôt » pour désigner ceux pour qui il souhaitait gouverner, s'il était élu. Cette expression amène alors ceux qui l'entendent et qui se reconnaissent en elle, à former, au moins le temps de la campagne présidentielle, un groupe social partageant une valeur : celle du travail. « La France qui se lève tôt » rassemble des gens de tout horizon et tend ainsi à fédérer des opinions autour de celle du leader, à savoir Nicolas Sarkozy. En s'identifiant à ceux qui se lèvent tôt, on finit par se sentir appartenir à un même groupe et, dès lors, à agir et voter en suivant l'avis de la majorité de ce groupe et celui des leaders qui le cimentent. Or il est plus gratifiant de s'affilier à ce groupe des « honnêtes travailleurs » plutôt que de revendiquer de ne pas se lever tôt ! « La France qui se lève tôt » n'est pas un simple slogan de campagne, c'est un formidable outil de propagande qui a largement contribué à la victoire de Nicolas Sarkozy.




*Propaganda. Edward Bernays.

jeudi 6 mars 2008

Survivre avec les loups : que de cerveaux trompés !

Dans le processus de perception, celui qui reçoit une information doit la comprendre mais aussi lui assigner un ensemble de caractéristiques : l'auteur, la date, son importance pour soi, etc. Ces données supplémentaires qui accompagnent le traitement d'une information aide le cerveau à l'intégrer efficacement dans son réseau de connaissances. Cela permet plus tard de retrouver cette information et de l'utiliser dans un autre contexte.

La valeur de vérité (vrai, faux) d'une information fait partie de ces données complémentaires qui s'ajoutent à l'information brute.

Dans le cas de l'histoire de la jeune fille perdue pendant la guerre et adoptée par des loups, racontée dans un livre « Survivre avec les loups », traduit en 18 langues, ce récit a été présenté initialement comme une autobiographie et a donc été intégré par des millions de lecteurs comme un témoignage supplémentaire, véridique, des horreurs de la guerre.

La sortie du film très récemment a amplifié cette perception d'un nouveau témoignage de la Shoah.


Extrait d'un article du Monde de janvier 2008

Quand la véracité du témoignage est remise en question, c'est alors tout ce travail cognitif individuel de chacun des lecteurs du livre et spectateurs du film qui est remis en cause. Et dans cette introspection « corrective », où le cerveau doit reconstruire une nouvelle vérité, les « dommages collatéraux » ne sont pas forcément négligeables : pourquoi alors ne pas remettre en question d'autres connaissances sur la Shoah ? Si ce témoignage est faux, d'autres ne le sont-ils pas aussi ? Et toutes les histoires sur les enfants-loups (voir le livre « L'énigme des enfants-loups de Serge Aroles) ?