jeudi 28 février 2008

Il faut écouter les médecins !

La santé est, à juste titre, une préoccupation essentielle pour tous les Français comme pour tous les humains. Vivre plus longtemps, en meilleure santé, est une visée rien de plus naturelle à laquelle le développement des sociétés occidentales a largement répondu avec une augmentation constante de l’espérance de vie (cf. figure). Avec les progrès de la médecine, avec des évolutions majeures dans le domaine de l’hygiène, avec un fonctionnement moderne de la société qui a inclus des mesures de prévention, de surveillance et de prise en charge solidaire des risques de santé, les Français bénéficient d’une longévité exceptionnelle et d’un état de santé général jamais atteint.

Espérance de vie en France, depuis 1950. Source : Insee

Mais, dans ce paysage reluisant de la santé publique, se véhicule un ensemble de messages qui semblent plus relever d’un suivisme de groupe que de véritables préoccupations de santé individuelle. Comment expliquer, par exemple, que la consommation de psychotropes ait explosé depuis quelques années, hissant la France à la première place dans la consommation de ce type de médicaments ? Mais « ce n'est pas seulement en matière d'anxiolytiques et d'hypnotiques que nous remportons la palme d'or, c'est aussi dans l'ensemble des autres disciplines : les antidépresseurs (médaille d'or), les neuroleptiques (médaille d'argent), les antalgiques (médaille d'argent) et surtout la catégorie Tous médicaments confondus (médaille d'or). Aux Jeux olympiques de la prescription, nous sommes vraiment les meilleurs (cf. figure). […] Aucune interprétation socio-culturodémographique, on le sait, n'est capable d'apporter une explication satisfaisante à ce fait étonnant : les médecins français prescrivent beaucoup et renouvellent beaucoup plus que leurs collègues étrangers. À cette évidence, les confrères répondent généralement qu'ils ne font que répondre à une attente et à une demande particulièrement pressantes de leurs patients.1 »

Estimation du nombre de médicaments prescrits par consultation, pour rhino-pharyngites aiguës en 1997.2

En matière de médicaments psychotropes, une enquête de l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies3 a montré que 25% des femmes et 14% des hommes avaient consommé tranquillisants, somnifères ou antidépresseurs pendant l’année qui a précédé l’étude. Plus étonnant est le nombre relativement élevé d’enfants qui ont déjà utilisé des psychotropes : plus de 30% des filles (contre 12% des garçons) de 17 ans en ont déjà consommé au cours de leur enfance (la plupart du temps sur prescription d’un médecin) !

La prescription médicale ne relève donc pas exclusivement de considérations objectives, visant à répondre à un besoin médical précis et clairement identifié. Pressions des patients (comme dans le cas des antibiotiques notamment, cf. figure), accord des médecins et contexte économique (avec le pouvoir des groupes pharmaceutiques) tendent à asseoir des comportements sociaux suivis par beaucoup d’entre nous.

Estimation du pourcentage de prescriptions d’antibiotiques pour rhino-pharyngites aiguës en 1997, chez les enfants de moins de 7 ans.4

Notre dépendance vis-à-vis des médecins nous amène naturellement à souscrire aux règles et conseils promulgués par ceux qui ont en charge notre santé. Considérés comme des experts, les membres du corps médical au sens large (médecins, pharmaciens, …) apparaissent comme des leaders d’opinion sur la question de notre bien-être, influençant nos décisions et limitant fortement notre « créativité » et notre libre-arbitre dans ce domaine. Les soins dentaires en sont une illustration, tant cette spécialité médicale a réussi à imposer des comportements à la grande majorité d’entre nous.

Dans beaucoup de cabinets dentaires, par exemple, le patient n’a pas d’autres choix que de s’allonger directement sur la chaise d’opération, sans avoir eu le temps d’exposer la raison de sa visite. Ce n’est qu’une fois allongé dans une position d’infériorité manifeste que le dentiste consent à écouter ses revendications. Il peut même arriver qu’il commence par entreprendre un détartrage dentaire, même si le patient ne vient pas du tout pour cela. Pour tous les dentistes, il est évident qu’il faut absolument faire des visites régulières pour contrôler l’état de sa dentition. L’Union Française pour la Santé Bucco-Dentaire explique ainsi que « l'idéal est de consulter régulièrement son dentiste, tous les six mois environ, pour un contrôle, un bilan, des soins préventifs. […] Un suivi personnalisé de qualité se met en place le plus tôt possible. Prenez rendez-vous pour votre enfant vers l'âge de 18 mois.5 » Selon un sondage réalisé en 20046, 97% des Français considèrent qu’il faut consulter son dentiste régulièrement, soit à dates fixes, soit de temps en temps pour vérifier que tout va bien. 61% des personnes interrogées ont ainsi vu leur dentiste depuis moins d’un an à la date de l’enquête. Il semblerait donc que nous, simples citoyens, ne soyons pas en mesure de savoir si nous avons un problème aux dents ou non. Ainsi, le même sondage indique que près de 60% des visites n’étaient pas liées à un problème particulier mais se traduisait seulement par un contrôle, et dans près d’un cas sur trois, par un détartrage. Le milieu médical dentaire a ainsi fait passer le message de son importance dans la santé individuelle : 78% des Français, selon le même sondage, pensent qu’il faut consulter son dentiste aussi souvent que son médecin généraliste et, pour 66% d’entre nous, le dentiste est d’ailleurs considéré comme un médecin généraliste.

La prévention des problèmes dentaires passe aussi par des comportements individuels « corrects », du point de vue des professionnels de la santé bucco-dentaire : « Pour préserver la santé de nos dents, il faut se brosser les dents trois fois par jour, 3 minutes de brossage à chaque fois.7 » Cette vérité est relayée par tous les professionnels de la santé mais aussi par les revues spécialisées, les sites Internet d’information médicale et évidemment les entreprises du secteur qui vendent brosses à dent, dentifrices et autres produits spécialisés. Les intérêts de ces derniers se confondent d’ailleurs avec ceux des médecins, les amenant à réaliser des actions d’information communes, pour notre bien… ou peut-être le leur : « Leader mondial dans le domaine des brosses à dents et des dentifrices, Colgate s'investit chaque jour pour que petits et grands conservent des dents et gencives saines. Son expertise dans le domaine de la santé bucco-dentaire l'a naturellement conduit à s'associer à l'UFSBD dans le cadre d'actions de prévention telles que "Le Mois pour la Santé de vos Dents".8 » Cette campagne de prévention a permis effectivement de faire baisser le nombre de caries dans la population, mais ce résultat passe-t-il nécessairement par une uniformisation des comportements : visites annuelles chez le dentiste avec détartrage quasi-systématique des dents, brossage des dents trois fois par jour et pendant trois minutes, utilisation de fil dentaire, mise en place d’appareils dès le plus jeune âge pour aligner la dentition au millimètre près, blanchiment des dents, … ? Ne sommes-nous pas soumis à un diktat médical de plus en plus oppressant, transformant toute différence physique en une anomalie nécessitant un suivi médical ? Au-delà d’une hygiène nécessaire (se brosser les dents aussi naturellement que se laver les mains, par exemple9), hygiène que les pouvoirs publics ont effectivement vocation à encourager pour un meilleur développement de la société, faut-il tendre vers un ensemble de comportements, en matière de santé publique, qui se normaliserait autour d’une règle imposée par des acteurs publics et privés dont les intérêts ne sont pas toujours ceux de la collectivité ?

Aujourd’hui, émettre un avis contraire aux recommandations du corps médical (ne pas emmener ses enfants systématiquement chez le médecin de famille et chez le dentiste par exemple) devient un acte socialement inacceptable, soumis à l’opprobre de ses proches. S’opposer au corps médical a toujours été un combat difficile et long. La lutte pour faire reconnaître le droit à prendre en compte la douleur des patients n’est ainsi toujours pas totalement gagnée, nombre de médecins sous-estimant encore la douleur de leurs patients10. Heureusement, dans ce domaine, de nombreux pas ont été faits, notamment dans la prise en compte de la douleur de l’enfant et du nourrisson : une étude comparative réalisée en 1988 et en 1995 auprès d’anesthésistes anglais et irlandais11 a montré que si quasi tous les médecins considéraient en 1995 que les enfants perçoivent la douleur, quel que soit leur âge, en 1988, 13% des anesthésistes estimaient encore que les nouveau-nés étaient insensibles à la douleur (et 23% ne se prononçaient pas). Plus significatif : pour des petites opérations chirurgicales, 27% seulement des anesthésistes mettaient en œuvre une anesthésie locale en 1988 contre 99% en 1995 !

Le corps médical forme ainsi un groupe social soutenu par des intérêts publics et privés puissants (notamment les laboratoires pharmaceutiques). Au sein ou en marge de ce groupe apparaissent des « communautés de pratiques », regroupant médecins, industrie pharmaceutique et patients autour de croyances spécifiques sur tel ou tel type de médicaments ou de thérapies. L’homéopathie est un exemple typique de la construction d’un groupe social basée sur une démarche médicamenteuse qui n’a jamais été scientifiquement validée ni véritablement infirmée, mais qui fédère ses adeptes convaincus du bien-fondé des solutions homéopathiques. Mais d’autres approches thérapeutiques rassemblent des communautés au sein de l’espace médical : psychanalyse, oligothérapie, phytothérapie, lithothérapie, acupuncture, etc.

Parfaitement conscient de la dépendance de la société vis-à-vis de lui, le corps médical en général entretient l’effet de groupe qui se manifeste autour de lui, fidélisant au maximum les patients. Les médecins préfèrent souvent travailler plus (souvent plus de 50h/semaine) pour garder leur maîtrise des patients plutôt que de faire diminuer le nombre de consultations ou de partager leurs horaires avec d’autres professionnels de santé. En outre, la densité de médecins n’est pas du tout égale sur tout le territoire avec des maximums sur Paris et le sud de la France, répartition laissée totalement à la responsabilité du corps médical. Dans certains départements, une visite chez un spécialiste peut ainsi s’avérer être une démarche hasardeuse avec souvent des mois d’attentes pour obtenir un rendez-vous.

Nombre moyen de consultations pour rhino-pharyngites (pour 1000 habitants) en 199712

Ce système de dépendance des patients vis-à-vis du corps médical est soutenu par les pouvoirs publics qui ont la maîtrise de la formation des médecins, via le système du numerus clausus qui fixe le nombre de médecins qui sortiront chaque année de la formation. Les patients aussi entrent dans ce jeu de dépendance, lorsque aller chez son médecin relève souvent plus de la visite de courtoisie ou d’une simple demande d’écoute que d’une véritable recherche de soins.

La médecine, par son corps médical et son industrie pharmaceutique, a résolument étendu son emprise au-delà des seuls soins thérapeutiques pour répondre à une attente sociale forte de recherche d’un meilleur confort de vie. Le vingtième siècle a vu émerger un mouvement généralisé de libération des corps qui promeut une maîtrise de son corps pour un bien-être absolu. Les nouvelles connaissances sur le fonctionnement du corps humain ont permis des avancées majeures dans cette quête de la vie sans contraintes physiques, notamment pour les femmes dans le contrôle de leur sexualité avec l’arrivée de la pilule contraceptive. Les technologies actuelles permettent ainsi de quasi supprimer les saignements menstruels via une diffusion continue d’hormones (pilules, stérilets, …). Mais ce progrès indéniable pour des millions de femmes n’est maintenant qu’un élément dans la recherche d’une maîtrise du corps. Quête du poids idéal, limitations des effets de la vieillesse (ménopause), amélioration de l’activité sexuelle, réductions des rides, remodelage de certaines parties du corps par chirurgie esthétique, dentition de stars, programmation des accouchements via des césariennes choisies, régulation des enfants turbulents par distribution de psychotropes sont autant de nouvelles attentes de la part de nos sociétés occidentales. Cette demande sociale pose alors la question de sa prise en charge par l’ensemble de la société. Est-ce au corps médical et à l’industrie pharmaceutique de répondre à cette attente, avec le risque de la traduire en un panel de maladies et de traitements médicamenteux associés ? Déjà, de nombreux laboratoires pharmaceutiques ont pris positions sur ce créneau de la « para-santé », en vantant leurs pilules pour répondre à chaque demande sociale de bien-être, traduites sous forme de maladies ou syndromes13 : psychotropes pour les enfants dès le plus jeune âge, oestrogènes pour les femmes dès 45 ans (avec des risques maintenant connus de développement de cancers du sein), testostérones pour les hommes murs, etc.

En outre, dès lors que la demande sociale en faveur d’un meilleur contrôle de son corps se développe et que des réponses médicales ou paramédicales sont proposées, est-il légitime que cette démarche soit soutenue par l’ensemble de la population via une prise en charge par les caisses d’assurance maladie et donc par la solidarité nationale ? Où se situe la limite entre réponse de la société à des problèmes médicaux et prise en charge collective de demandes individuelles d’amélioration de sa condition physique ? La question d’une médecine de confort se pose ainsi de plus en plus explicitement quand les dépenses de santé s’envolent et que le déficit des caisses d’assurance maladie se creuse d’années en années (13,2 milliards d’euros en 2004). Le choix récurrent des gouvernements français de réduire ou supprimer le remboursement d’un certain nombre de médicaments dont les effets thérapeutiques ne sont pas avérés est un indice de cette nouvelle problématique dans la gestion de la santé publique : « Ce n'est pas parce que l'on se sent mieux avec qu'ils doivent être remboursés. Le mieux-être ne doit pas être pris en charge par la solidarité nationale.14 »

L’attitude concernant la recherche du bien-être conjugue donc à la fois une décision collective de l’ensemble de la société pilotée (manipulée ?) par un secteur médical tout puissant et une responsabilité individuelle de chacun de nous dans notre appréhension de la santé et notre faculté à lutter contre une normalisation sociale des comportements. Somme toute, il nous appartient de garder un esprit critique sur nos pratiques individuelles de santé, pratiques largement influencées par un discours consensuel qui évolue plus par des pressions de lobbies médicaux et pharmaceutiques que par une véritable démarche raisonnée.

1 Patrick Lemoine. Médicaments psychotropes : le big deal ? Revue toxibase n° 1 - mars 2001.

2 Source : Etude de la prescription et de la consommation des antibiotiques en ambulatoire. Observatoire National des Prescriptions et Consommations des Médicaments - Mai 1998.

3 Enquête 2002-2003, OFDT. Disponible sur le site www.ofdt.fr

4 Source : Etude de la prescription et de la consommation des antibiotiques en ambulatoire. Observatoire National des Prescriptions et Consommations des Médicaments - Mai 1998.

5 Extrait du site Internet de l’« Union Française pour la Santé Bucco-Dentaire » : www.ufsbd.fr

6 Sondage TNS-SOFRES, septembre 2004.

7 Extrait du site Internet du journal « Santé Magazine » : www.santemagazine.fr

8 Extrait du site Internet de Colgate : ohm.colgate.fr

9 Un sondage réalisé en 1999 par l’IFOP indiquait que seulement 59% des hommes se lavaient les dents au moins deux fois par jour.

10 Marquié, L., Raufaste, E., Lauque, D., Marine, C., Ecoiffier, M. & Sorum, P. (2003). Pain rating by patients and physicians : evidence of systematic pain miscalibration. Pain, 102.

11 Lima, J. de, Lloyd-Thomas, A.R., Howard, R.F., Sumner, E. & Quinn, T.M. (1996). Infant and neonatal pain: anaesthetists' perceptions and prescribing patterns. British Medical Journal.

12 Source : Etude de la prescription et de la consommation des antibiotiques en ambulatoire. Observatoire National des Prescriptions et Consommations des Médicaments - Mai 1998

13 Blech, J. (2005). Les inventeurs de maladie, manœuvres et manipulations de l’industrie pharmaceutique. Actes Sud.

14 Interview du Professeur Laurent Degos, Président de la Haute Autorité de Santé. Publié dans le journal Libération, le 16 septembre 2005.

mercredi 20 février 2008

Peut-on parler de « vote juif » ?

Suite à la diffusion sur Internet d'une vidéo polémique où on parle de « vote juif », il est utile d'examiner la pertinence d'une telle expression.

Parler de « vote juif », c'est considérer que les personnes de confession juive voteraient tous pareils, du fait même de leur choix religieux. On pourrait alors parler de « vote catholique », « vote musulman », etc.

Aux Etats-Unis, voter en fonction de son appartenance à une communauté peut effectivement amener à faire reconnaître des droits supplémentaires à cette communauté car la politique américaine reconnaît et encourage le communautarisme.

En France cependant, un groupe social ne peut obtenir des droits supplémentaires ce qui limite l'intérêt de voter en fonction de son appartenance religieuse.

Le vote individuel n'est-il alors pas influencé par son appartenance religieuse ?

Obligatoirement ! De la même manière que la classe sociale, la catégorie d'âge, le sexe, et d'autres appartenances catégorielles influencent nos choix de vie (et donc notre vote), le fait de croire ou non en Dieu et de se sentir proche d'un groupe religieux influence notre vote.

Un sondage CSA d'avril 2002* montrait ainsi que l'appartenance religieuse est corrélée avec le choix d'un candidat à l'élection présidentielle. Cela ne signifie pourtant pas qu'il y ait un lien de cause à effet entre les deux variables « pratique religieuse » et « vote ».


Une étude du CEVIPOF** étudie plus en détail le poids de la variable « religion » dans le vote politique. Le résultat :

« toutes choses égales par ailleurs, en 2002, les électeurs qui se déclarent « sans religion » ont voté 6,3 fois plus souvent pour la gauche que les catholiques pratiquants réguliers ! On le constate, c’est, et de loin, l’écart le plus important creusé par les différentes variables envisagées – presque deux fois plus grand que l’effet du statut professionnel ! Non seulement donc la prise en compte des modalités de l’appartenance sociale n’a pas fait disparaître les écarts constatés par le simple croisement de la position religieuse et du vote, mais elle les a accrus. Si les catholiques pratiquants votent à droite, ce n’est donc pas parce qu’ils sont bourgeois, mais bien parce qu’ils sont catholiques pratiquants… »

Le vote serait donc influencé par la pratique religieuse : « Etablies sur des données recueillies après la dernière élection présidentielle, les enquêtes de l’observatoire interrégional du politique pour 2002 et 2003 permettent de caractériser le vote des minorités religieuses en France. Si les catholiques (tous niveaux de pratique confondus) apparaissent bien plus à droite que la population totale, s’ils semblent désormais rejoints par les protestants, on relève combien les musulmans apparaissent tentés par la gauche, davantage même que les sans religion. »

En conclusion, l'appartenance religieuse influence le choix politique comme d'autres appartenances sociales, mais on ne peut cependant pas parler de vote communautaire car d'une part, tous les membres d'une même religion ne votent pas dans le même sens politique et d'autre part voter pour sa communauté n'a pas de sens dans une démocratie non communautariste.

**Religion et vote : « Cachez cette variable que je ne saurais voir » … par Claude DARGENT, chercheur associé au CEVIPOF

*Sondage Sortie des Urnes réalisé le 21 avril 2002 par CSA pour LA VIE. Analyse du vote au premiertour de l'élection présidentielle en fonction de la religion et de la pratique religieuse.

lundi 18 février 2008

Mise en perspective : l'histoire du SMS de Nicolas

Le NouvelObs en ligne publie le 6 février une information sur un soi-disant SMS envoyé par Sarkozy à son ex-épouse. Se pose alors le débat sur l'opportunité de publier une telle information.

Un peu de théorie sur la perception de l'information par le cerveau humain permet d'y voir plus clair :

1) Le cerveau construit des connaissances à partir des données qu'il perçoit. Ces connaissances consistent en un ensemble d'informations mémorisées et reliées les unes aux autres pour faire sens. Toute perception est ainsi filtrée, analysée, catégorisée et comparée à d'autres préalablement mémorisées avant, éventuellement, d'être assimilée dans le réseau de connaissances d'un individu. Ce réseau inclut toutes sortes d'informations : sa vie personnelle, des données sur le monde, des informations sur son environnement géographique, des procédures pour conduire, travailler, etc.

2) Certaines connaissances mémorisées incluent des informations sur la vie de ses proches : famille, amis. Ces informations sont utiles à l'être humain pour créer des liens sociaux.

Dans cette catégorie peuvent alors être incluses des informations sur la vie de personnalités, car celles-ci, avec le développement massif des médias, sont considérées comme des relations proches : on parle alors de relations « parasociales ». La star entre dans le cercle de connaissances proches et connaître sa vie privée devient légitime.

3) Dans le flot de faits dont les journalistes disposent à un moment donné, l'objectif des journalistes est de fournir au public ceux qui méritent d'être portés à notre attention et d'être insérés, à plus ou moins court terme, dans l'ensemble des connaissances des lecteurs. Le travail journalistique est ainsi de transformer les faits en une information (voir la chronique d'Elisabeth Lévy (http://www.arretsurimages.net/chroniqueur.php?id=6). Ce travail éditorial pose alors la question : faut-il publier les faits le plus objectivement possible pour laisser le lecteur libre d'en faire ce qu'il souhaite ou faut-il intégrer les faits dans une « théorie » plus générale nécessairement subjective ?

4) Dans l'épisode du SMS, sa publication brute laisse le lecteur libre de traiter cette information comme il l'entend. Or, le contenu brut de cette information amène quasi obligatoirement à la considérer comme une information sur la vie privée de Sarkozy et donc à l'intégrer dans un ensemble de connaissances sur la vie de Sarkozy. Dans ce cas, la publication paraît peu justifiable.

Il se peut cependant que ce SMS soit un indice supplémentaire d'une théorie l'interview de JF Kahn et la position de Schneidermann) qui semblerait dire que le président aurait certains travers psychologiques incompatibles avec sa fonction ! Dans ce cas, l'information sur le SMS pourrait, pour le lecteur, s'intégrer dans un ensemble de connaissances sur la politique française et sa publication en serait alors justifiée.



jeudi 7 février 2008

Téléthon : impossible d'être contre !

Tous les ans, la télévision propose une grande émission de générosité populaire pour les maladies génétiques. Le Téléthon est devenu, au fil du temps, une cérémonie nationale où chaque individu peut librement décider d’offrir de l’argent pour cette grande cause médicale. Grâce à cette émission et à l’engagement de la télévision publique, de grandes avancées thérapeutiques sont en cours pour lutter contre les maladies génétiques.


On peut toutefois s’interroger sur le rôle majeur qu’a pris le Téléthon dans la vie des Français : « Parmi une liste de grandes avancées dans le domaine de la solidarité, les Français citent d’abord la création de la Sécurité sociale (95%), devant la Déclaration internationale des droits de l’homme (85%), l’instauration du SMIC (84%), le Téléthon (80%)1 ». Il peut être surprenant de voir apparaître une émission télévisuelle et une initiative privée comme grande avancée dans le domaine de la solidarité. Rappelons en effet que le Téléthon a été lancé en 1987 par l’Association Française contre les Myopathies (AFM) avec le soutien de partenaires tels que France Télévision ou le Lions Club français. Aujourd’hui encore, l’argent récolté est entièrement géré par l’AFM dont le Conseil d’Administration reste aux mains de personnalités indépendantes de tout pouvoir public.

De fait, selon la Fondation de France, les grandes manifestations nationales comme le Téléthon représentent le second facteur qui amène les Français à effectuer un don, juste après la fidélité à des organismes auxquels on a précédemment donné. La médiatisation semble donc être un élément majeur pour la solidarité, un catalyseur de la générosité. La télévision a permis au Téléthon de constituer autour d’une cause médicale un véritable effet groupal. Pour fédérer une grande partie de la population française, l’événement intègre d’une part une émission télévisuelle attractive avec de nombreuses stars, des moments d’émotion pour renforcer l’adhésion du public et des témoignages de quidams soutenant le Téléthon et auxquels les téléspectateurs peuvent s’identifier, et, d’autre part, des actions locales sur tout le territoire pour renforcer l’engagement individuel des citoyens. Au final, la solidarité s’amplifie au sein de ce groupe social éphémère, chacun souhaitant apporter sa pierre à cet édifice et faire partie de l’événement.

1 L’Humanité. Article paru dans l'édition du 27 janvier 1993. « Sondage sur la solidarité » A propos d’un sondage SOFRES.

mardi 5 février 2008

TF1 : pour ou contre ?

Il est de bon ton de critiquer le soi-disant pouvoir de TF1 sur nos consciences. Cette chaîne serait responsable de tous les maux de notre société et les critiques fusent de toute part. D'une seule voix (apparente), la France affirme son aversion vis-à-vis de TF1.




Extrait de l'émission de France Inter « La-bas si j'y suis » 9 janvier 08


D'un coté, un discours majoritaire dénonçant la médiocrité des programmes de la chaîne.
De l'autre, un fort pourcentage de téléspectateurs qui doivent donc apprécier de regarder TF1.

Ceux qui critiquent regarderaient-ils TF1 en cachette ?

Ou y aurait-il deux France : celle qui regarde TF1 (mais qui évite de le dire) et celle qui critique TF1 (et qui évite de la regarder) ? Lutte entre deux groupes sociaux distincts ?