mercredi 20 février 2008

Peut-on parler de « vote juif » ?

Suite à la diffusion sur Internet d'une vidéo polémique où on parle de « vote juif », il est utile d'examiner la pertinence d'une telle expression.

Parler de « vote juif », c'est considérer que les personnes de confession juive voteraient tous pareils, du fait même de leur choix religieux. On pourrait alors parler de « vote catholique », « vote musulman », etc.

Aux Etats-Unis, voter en fonction de son appartenance à une communauté peut effectivement amener à faire reconnaître des droits supplémentaires à cette communauté car la politique américaine reconnaît et encourage le communautarisme.

En France cependant, un groupe social ne peut obtenir des droits supplémentaires ce qui limite l'intérêt de voter en fonction de son appartenance religieuse.

Le vote individuel n'est-il alors pas influencé par son appartenance religieuse ?

Obligatoirement ! De la même manière que la classe sociale, la catégorie d'âge, le sexe, et d'autres appartenances catégorielles influencent nos choix de vie (et donc notre vote), le fait de croire ou non en Dieu et de se sentir proche d'un groupe religieux influence notre vote.

Un sondage CSA d'avril 2002* montrait ainsi que l'appartenance religieuse est corrélée avec le choix d'un candidat à l'élection présidentielle. Cela ne signifie pourtant pas qu'il y ait un lien de cause à effet entre les deux variables « pratique religieuse » et « vote ».


Une étude du CEVIPOF** étudie plus en détail le poids de la variable « religion » dans le vote politique. Le résultat :

« toutes choses égales par ailleurs, en 2002, les électeurs qui se déclarent « sans religion » ont voté 6,3 fois plus souvent pour la gauche que les catholiques pratiquants réguliers ! On le constate, c’est, et de loin, l’écart le plus important creusé par les différentes variables envisagées – presque deux fois plus grand que l’effet du statut professionnel ! Non seulement donc la prise en compte des modalités de l’appartenance sociale n’a pas fait disparaître les écarts constatés par le simple croisement de la position religieuse et du vote, mais elle les a accrus. Si les catholiques pratiquants votent à droite, ce n’est donc pas parce qu’ils sont bourgeois, mais bien parce qu’ils sont catholiques pratiquants… »

Le vote serait donc influencé par la pratique religieuse : « Etablies sur des données recueillies après la dernière élection présidentielle, les enquêtes de l’observatoire interrégional du politique pour 2002 et 2003 permettent de caractériser le vote des minorités religieuses en France. Si les catholiques (tous niveaux de pratique confondus) apparaissent bien plus à droite que la population totale, s’ils semblent désormais rejoints par les protestants, on relève combien les musulmans apparaissent tentés par la gauche, davantage même que les sans religion. »

En conclusion, l'appartenance religieuse influence le choix politique comme d'autres appartenances sociales, mais on ne peut cependant pas parler de vote communautaire car d'une part, tous les membres d'une même religion ne votent pas dans le même sens politique et d'autre part voter pour sa communauté n'a pas de sens dans une démocratie non communautariste.

**Religion et vote : « Cachez cette variable que je ne saurais voir » … par Claude DARGENT, chercheur associé au CEVIPOF

*Sondage Sortie des Urnes réalisé le 21 avril 2002 par CSA pour LA VIE. Analyse du vote au premiertour de l'élection présidentielle en fonction de la religion et de la pratique religieuse.

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