jeudi 3 avril 2008

Banderole du PSG : le pouvoir du groupe

Suite à l'emballement médiatique autour de la banderole insultante déployée durant le match PSG-Lens, le journal Libération donnait la parole à ceux qui pensent que cette banderole n'est qu'un message anodin qu'ont l'habitude de s'échanger les groupes de supporters (voir l'interview sur le site de Libération). Sur le site Arrêt sur Images, Daniel Schneidermann s'interroge alors sur ce qui serait finalement la bonne attitude à avoir face à cette banderole (voir sa chronique).

De nouveau, un petit tour du coté de la psychologie sociale permet de mieux saisir la portée du problème de cette banderole.

Dans chaque club de football professionnel, on trouve dorénavant, à coté des joueurs et de l'encadrement, des groupes de supporters regroupant plusieurs dizaines ou plusieurs centaines de membres. Ces groupes animent les stades et permettent aux clubs de faire venir du monde (et donc de l'argent dans les caisses). Sans eux, sans doute, les matchs de football ne connaîtraient pas l'ambiance que l'on peut voir et entendre dans les stades.

De part le rôle que ces associations de supporters ont pris, avec la bénédiction des présidents de club, le soutien aux équipes de football a pris une dimension sociale. Les groupes de supporters ont exacerbé leurs identités de groupe : le soutien à un club n'est plus seulement un encouragement aux joueurs, dans la victoire comme dans la défaite, mais aussi et surtout un moyen d'affirmer son appartenance à une ville vis-à-vis d'autres villes de France ou d'Europe. Il ne s'agit plus d'apprécier un spectacle et de supporter les acteurs que sont les joueurs mais bien de faire valoir la suprématie de son groupe social (sa ville, son club) face aux autres groupes. Quel que soit le spectacle donné par les joueurs, seul compte la capacité pour un club, ses joueurs et ses supporters, a montré sa suprématie. L'identité de groupe a pris le pas sur l'action de supporter.

Durant un match, les groupes de supporters tendent alors, non plus a s'adresser aux joueurs pour les encourager, mais à invectiver les groupes adverses, par des chants, des sifflets et des banderoles. L'objectif est de montrer sa puissance en imposant ses chants et en envoyant des messages publics aux autres groupes. Les joueurs ne sont finalement qu'un élément du spectacle que construisent les groupes de supporters dans les tribunes. Chaque groupe est d'ailleurs affecté à une place dans les tribunes pour que rien ne soit laissé au hasard.

Cette dérive psychosociale entre alors en opposition avec une partie du public qui vient seulement assister à un spectacle, qui soutient son équipe mais qui espère surtout assister à un beau match. Ces individus isolés (entre amis, en famille) côtoient dans un même stade l'ensemble des groupes de supporters. La logique individuelle s'oppose à la logique de groupes.

Faut-il alors laisser les groupes de supporters pratiquer leurs joutes verbales et visuelles (voire « manuelles ») au sein des stades sous le regard du public et des téléspectateurs ? Les stades, lieux publics, doivent-ils être le lieu de ces luttes de groupes ? Sous prétexte que les groupes de supporters animent le stade (et amènent de l'argent), sont-ils libres d'exprimer publiquement leurs luttes sociales ?

Avec cette banderole et avec bien d'autres actes depuis quelques années, la réponse est clairement non. Et il appartient aux clubs et aux pouvoirs politiques de redéfinir la limite entre action de soutien à un club et lutte de groupes. Sinon, les stades deviendront de plus en plus une arène de cirque où le spectacle des joueurs passera au second plan.







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