Le problème de la sécurité routière était ainsi une préoccupation récurrente de nos gouvernements et l’apprentissage de la conduite en était le premier maillon. Apprendre à conduire demande en effet au moins vingt heures de conduite, en plus de l’apprentissage du code de la route. Il faut généralement compter un minimum de 1000€ pour pourvoir s’offrir le droit de conduire, un montant dépassant largement les possibilités financières de nombre de jeunes. Ces vingt heures d’apprentissage sont, de l’avis de tous, loin de suffire pour être en mesure de faire face à toute la complexité de la conduite : conduite sur autoroute, en ville, en campagne, dans les routes sinueuses de montagne, de nuit, sur des chaussées enneigées, etc. Dès lors, on considère que l’apprentissage de la conduite se réalise, une fois le permis passé, par l’expérience acquise en situation réelle. Pour quels résultats : en 2003, selon l’Observatoire National Interministériel de Sécurité Routière1, on comptabilisait 90220 accidents corporels dont 6058 personnes décédées (à 30 jours), 115929 blessés dont 19207 blessés graves. Le risque d’être victime d’un accident au cours de sa vie n’est donc pas négligeable et conduire prudemment est souvent en contradiction avec l’objet même d’une voiture qui est de parcourir rapidement une distance que l’on ne peut faire raisonnablement à pied.
De même que le casque sert à réduire les risques d'une activité dangereuse, la loi tente de réduire les risques de la conduite automobile (permis de conduire, ceintures de sécurité, ...).
Tout le monde s’accorde donc sur le fait que la voiture est un outil dangereux nécessitant un permis d’utilisation. Un outil puisque la voiture n’a de but en soi, hormis des situations de compétition sportive, que de permettre de réaliser une action, en l’occurrence se déplacer rapidement d’un endroit à un autre. Dangereux puisque, outre les accidents corporels répertoriés par les institutions, elle peut être source de nombreux incidents d’utilisation : dégradation de voirie (murs, poteaux, portails, …) mais aussi petits accidents corporels non répertoriés (écrasement de pieds, pincements, …). Manier un tel outil sans faire d’erreurs relève presque du miracle.Obtenir son permis de conduire est donc plus qu’une obligation légale, c’est aussi une nécessité vitale pour pouvoir se sortir des situations complexes de la circulation, en ville notamment. La question du coût du permis semble donc, à première vue, un problème majeur pour s’assurer que chaque conducteur l’a passé avant de prendre le volant. Un conducteur sans permis, quel crime peut-on penser. Un conducteur sans permis ? Serait-il donc possible de disposer d’une voiture sans avoir le permis ?
Comment peut-on légalement accéder à un volant ? Tout d’abord en achetant une voiture neuve ou d’occasion, auprès d’un concessionnaire, d’un garagiste ou encore de particulier à particulier. L’acte d’achat n’impose en aucune manière de posséder un permis de conduire. Il suffit de disposer de l’argent nécessaire et que le véhicule soit conforme à la réglementation via un contrôle technique récent. Acheter une voiture n’autorise cependant pas à rouler avec, tant que le véhicule n’est pas enregistré par la préfecture du département. On pourrait alors penser, que lors de cette formalité pour l’obtention de la fameuse carte grise, la préfecture (qui, ne l’oublions pas, délivre et gère les permis de conduire) contrôle que le propriétaire a bien les compétences pour conduire. Il n’en est rien puisque aucune loi n’interdit à quelqu’un qui n’aurait pas de permis d’acquérir et d’immatriculer une voiture. La loi va même plus loin puisque l'article 2.II de l'arrêté du 5 novembre 1984 portant sur l'immatriculation des véhicules indique qu'« un véhicule peut être immatriculé au nom d'un mineur.2 »
Une autre manière d’accéder à un volant est de simplement utiliser la voiture d’un proche : parent, ami, collègue, …. Un jeune sans permis empruntant la voiture de ses parents pour un petit tour du pâté de maison, un ami à qui l’on prête sa voiture sachant pertinemment (ou ignorant) que son permis n’a plus de point et n’est donc plus valable. Autant de situations de la vie courante qui participe à l’insécurité routière générale. Dans ces cas de prêt de véhicule, seul le conducteur est responsable. Le code de la route précise en effet que « le conducteur d'un véhicule est responsable pénalement des infractions commises par lui dans la conduite dudit véhicule.3 »
Dans les deux cas, accéder à un volant sans permis est relativement aisé et est laissé à la bonne conscience des individus. Peut-on ainsi compter sur la raison des propriétaires de voiture, objet complexe et dangereux, sachant la faiblesse dont peut faire preuve l’esprit humain, pour éviter de conduire sans permis ou de prêter sa voiture à une personne sans permis ? Cette inaction des pouvoirs publics traduit au contraire la vision prédominante d’une glorification de l’automobile. L’accès à un volant n’est absolument pas contrôlé alors que l’Etat dispose de solutions pour le faire : responsabiliser pénalement le propriétaire d’un véhicule, en n’autorisant l’immatriculation que sur présentation d’un permis en règle, en immobilisant toute voiture dont le propriétaire viendrait à perdre l’ensemble des points de son permis, en condamnant toute personne ayant laissé conduire sa voiture par une personne sans permis. En exigeant une responsabilisation individuelle de chaque automobiliste, tout en continuant de prôner globalement une liberté de conduite et d’achat de voitures puissantes, la société souhaite-elle réellement lutter contre les dangers de la route et les dégâts humains et environnementaux causés par les véhicules routiers ?
1 Synthèse générale de l’année 2003. Observatoire National Interministériel de Sécurité Routière. http://www.securiteroutiere.gouv.fr/infos-ref/observatoire/index.html
2 Journal Officiel du 22/12/1984.
3 Article L121-1