Cette auto-catégorisation permet à chacun de participer à la vie de la société, d’une part en se positionnant par rapport aux autres et d’autre part en participant à des projets collectifs de portée restreinte (réunion d’amis, spectateur actif d’un match de football, etc.) ou plus large (militant de parti politique, participation à une association nationale, etc.). L’individu se construit ainsi socialement en s’arrimant à des logiques d’identité groupale sans toutefois nier son libre-arbitre. Oscillant en permanence entre logique de groupe et choix purement individuel, l’individu est amené, tout au long de sa vie, à adopter des positions et des comportements de groupe (pour soutenir des attitudes ou des idées collectives) ou au contraire à décider par lui-même sans référence implicite à une identification sociale. Le passage d’une logique de raisonnement personnel à une démarche de groupe est notamment nécessaire pour tout un ensemble de situations : organiser une fête de famille, répondre collectivement à un conflit d’entreprise, organiser une action locale (club sportif par exemple), affirmer une position politique, etc.
La création d’un groupe social, formel ou non, peut apparaître dans de nombreuses situations de la vie courante, dès lors qu’un ensemble de personnes estiment partager des convictions ou des projets communs. C’est cette détection de similarités inter-individuelles qui fournit la source d’un processus de catégorisation dans un groupe : « Toute croyance peut servir d’antécédent à des individus pour commencer à se considérer comme des membres d’un groupe. […] La(les) croyance(s) antécédente(s) peut(vent) s’édifier sur la base de l’expérience réelle et de la perception ou sur la base de la confiance accordée à des sources qui diffusent ces croyances. Dans le premier cas, des individus peuvent réellement devenir conscients de leur similarité dans ce1 » que l’on pourrait appeler un développement naturel, tandis que, dans l’autre cas, une source crédible peut montrer à des individus qu’ils sont semblables et mettre en exergue leur similarité.
Ici les membres d’une même famille réunis à l’occasion d’une fête artificielle (« cousinades », anniversaire de l’arrière-grand-mère, réveillon, …) vont se considérer comme un groupe à partir du moment où ils partagent ou estiment partager des valeurs ou des expériences communes. Là de simples citoyens vont se sentir appartenir à une même communauté une fois réunis dans un stade de football pour supporter leur équipe favorite. Là encore des adolescents vont développer une identité de bande en partageant leurs croyances sur le monde ou simplement sur le quartier voisin. Croire est ainsi la source d’une démarche de regroupement, que ce soit des croyances religieuses, des valeurs de vie ou de simples croyances ponctuelles (sur la qualité d’une équipe sportive, sur la vie d’une star, etc.). « Les individus considèrent que les croyances de groupe les caractérisent comme membres du groupe et définissent les limites de ce groupe. En s’appuyant sur elles, des individus peuvent se catégoriser et être catégorisés par d’autres comme membres du groupe. L’acceptation des croyances d’un groupe est l’un des indicateurs importants de l’appartenance à un groupe. […] Les croyances de groupe peuvent être classées dans différentes catégories, bien que toutes les croyances ne satisfassent pas aux conditions requises pour être des croyances de groupe. Ainsi les croyances de groupe peuvent-elles se trouver dans les catégories de croyance suivantes : normes de groupe, valeurs de groupe, buts de groupe ou idéologie de groupe.2 »
L’individu est ainsi plongé dans un univers social où son identité associe liberté de pensée et influence sociale. Dans toutes les situations où il doit prendre des décisions, il peut choisir de se solidariser avec l’opinion de tel ou tel groupe social auquel il appartient ou au contraire décider en ignorant, dans la mesure du possible, l’influence du groupe. Même si le résultat peut se trouver similaire dans les deux cas, le processus de la prise de décision peut différer radicalement. En choisissant de suivre, par conviction ou par facilité, l’attitude d’un groupe auquel il s’est préalablement associé, l’individu entre dans une démarche d’influence sociale qui occulte les opinions externes au groupe. A l’opposé, l’individu peut adopter une démarche plus individualiste, s’ouvrant certes à d’autres opinions que celles de ses groupes habituels, mais avec la nécessité de réussir à trouver soi-même la meilleure réponse à la situation posée.
- Vous avez peut-être remarqué que chacun des trois est parti à sa propre allure, à son propre pas. [...] Et soudain ils ont tous marchés au pas.
- Tout ça avait pour but d'illustrer le péril du conformisme et la difficulté de préserver vos convictions quoiqu'en pensent les autres.[...] Nous avons tous besoin d'être acceptés mais soyez persuadés que vos convictions sont uniques, les vôtres, même si on les trouve anormales ou impopulaires, même si le troupeau dit "c'est mal". »
Etre solidaire de son groupe social du moment ou faire l’effort de penser par soi-même constitue le dilemme de toute prise de décision. Le cerveau humain n’étant pas parfait, souvent prisonnier de ses émotions et de son histoire, privilégier le choix personnel peut amener à des comportements individuels peu efficaces ou même dangereux (les excès de vitesse en voiture notamment). A l’inverse, le suivisme de groupe enferme l’individu dans une logique de groupe qui tend à figer des comportements communautaires ou des attitudes majoritaires peu innovantes et souvent sources de conflit inter-groupes.
1 Bar-Tal, D. (1999). Croyances, idéologie et construction du groupe. In J.C. Deschamps, J.F. Morales, D. Paez & S. Worchel. L’identité sociale, PUG, 43-67
2 Bar-Tal, D. (1999). Croyances, idéologie et construction du groupe. In J.C. Deschamps, J.F. Morales, D. Paez & S. Worchel. L’identité sociale, PUG, 43-67.
3 Dead Poets Society(1997). Un film de Peter Weir. Touchstone Pictures.
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